Faire accepter le changement est l’un des défis que doivent souvent relever les gestionnaires : l’introduction d’une nouvelle technologie au sein de l’organisation ou une restructuration importante amène son lot de questions, voire de résistances, auxquelles le gestionnaire devra réagir et pour lesquelles il se sent généralement outillé. Mais qu’en est-il lorsque le changement interpelle également le gestionnaire? Comment faire face au changement pour en arriver à l’accepter lorsque, dans le cadre de ses fonctions, le gestionnaire est appelé à le faire accepter par les autres? Voilà sans doute un processus qui présente le plus d’obstacles pour le gestionnaire. Voici quelques conseils pour surmonter ces obstacles :
Obstacle no 1 : Reconnaître le bien-fondé du changement. Les organisations ne mettent pas en œuvre des changements qui ne se traduisent pas tôt ou tard par des avantages organisationnels. À première vue, il peut apparaître pour le gestionnaire qu’il est l’unique perdant dans un changement imposé : ce n’est pas parce qu’il ne voit pas immédiatement les retombées positives d’un changement que celui-ci est nécessairement nuisible pour l’organisation. Les conséquences préjudiciables d’un changement ne doivent pas occulter les retombées positives éventuelles que ce changement permet. Recadrer le changement pour mettre en perspective les avantages organisationnels qu’il amène est une façon de surmonter ce premier obstacle afin de mieux accepter le changement.
Obstacle no 2 : Contrôler ses émotions pour contrôler la situation. Il est indéniable que le changement, quel qu’il soit, porte en lui une charge émotive qui est d’autant plus importante s’il se traduit par des pertes pour les personnes ciblées par le changement. Ainsi, ne plus avoir la possibilité de s’investir dans un projet intéressant ou se voir retirer certaines responsabilités peut rendre difficile l’acceptation du changement. Se laisser envahir par des émotions de colère et de regret risque d’édulcorer le jugement que le gestionnaire fait de la situation, sans oublier que ces émotions négatives sont éminemment contagieuses. C’est en cherchant à comprendre la source des émotions qui l’animent que le gestionnaire peut prendre un certain recul et mettre le changement en perspective. Ce recul permet de mieux appréhender les motifs du changement et de mettre en évidence les gains organisationnels qui sont susceptibles de se matérialiser suite au changement. On s’attend du gestionnaire qu’il soit en mesure d’expliquer les tenants et aboutissants du changement et qu’il en démontre le bien-fondé. C’est là une condition incontournable pour le faire ensuite accepter par les autres, mais cela dépendra de la capacité du gestionnaire à l’accepter lui-même.
Obstacle no 3 : Vivre avec l’incertitude qu’amène le changement. Tout changement génère de l’incertitude quant à l’avenir : on ne sait pas ce qu’il adviendra de certains projets ni si des mises à pied sont prévues. Vivre avec l’incertitude, c’est accepter que certaines questions restent en suspend. Le gestionnaire ne doit pas céder au pessimisme et peindre l’avenir tout en noir. Reconnaître que le changement doit suivre son cours, se concentrer sur les activités quotidiennes qu’il peut contrôler et utiliser au mieux les ressources disponibles reste, pour le gestionnaire, la meilleure des stratégies pour faire face à l’inconfort de l’incertitude et le sentiment de perdre le contrôle.
Obstacle no 4 : Tempérer ses attentes que l’on a des retombées du changement. Les changements sont rarement une panacée à tous les problèmes que vit une organisation. Une bonne dose de réalisme et de pragmatisme permet de ne pas trop espérer des retombées du changement même si le discours officiel peut être très prometteur à cet égard. Des attentes trop élevées, voire irréalistes, face au changement apportent irrémédiablement déception, regret et résignation, voire du cynisme et le sentiment que les gens ont été trompés. Par définition, le changement est dynamique, tout comme le contexte dans lequel il s’opère. Certaines promesses risquent de ne pas se matérialiser si le contexte change et que des ressources qui étaient disponibles à l’amorce du changement ne le sont plus maintenant.
Obstacle no 5 : Accepter que sa capacité à faire face au changement est variable. Selon la nature du changement, sa profondeur, son ampleur et sa durée, le gestionnaire peut ne pas être en mesure de déployer une énergie constante et un enthousiasme indéfectible à chacune des phases de mise en œuvre du changement. À certaines étapes, le gestionnaire peut se sentir fatigué, voire incompétent à réaliser les nouvelles tâches qui lui incombe, ce qui est tout à fait normal. Les ressources que l’organisation met à la disposition de son personnel peuvent aider le gestionnaire à traverser les phases du changement. Les collègues de travail peuvent également être une source d’énergie.
Obstacle no 6 : Maintenir une bonne hygiène de travail. Comme corollaire du cinquième obstacle, la capacité physique du gestionnaire à participer à la mise en œuvre du changement est variable selon le type de changement : des changements dans les responsabilités, de nouvelles affectations ou des tâches additionnelles sont autant de situations qui imposent un stress physique et psychologique que le gestionnaire doit monitorer. Trop souvent, les gens voient le changement comme des occasions de «montrer de quoi ils sont capables», et déploient beaucoup d’énergie pour y arriver. Les effets néfastes ne tardent pas à se faire sentir et l’épuisement en est l’inéluctable aboutissement. Une hygiène de vie appropriée au travail et dans la vie personnelle est un rempart contre les excès que sont susceptibles de faire certaines personnes dans le changement.
Ces six obstacles se retrouvent inévitablement sur le chemin du gestionnaire qui, confronté à un changement, doit ensuite travailler à le faire accepter. C’est dans sa capacité à surmonter ces obstacles qu’il en arrivera à jouer le rôle qui lui incombe, celui d’être un véritable catalyseur du changement. Bien que les conseils donnés ici doivent servir de guide, il n’en demeure pas moins que le gestionnaire, de par l’accès privilégié qu’il a aux personnes au sein de l’organisation, représente un acteur qui peut contribuer de façon substantielle au succès du changement… à condition de se donner les moyens de surmonter les obstacles qui se dressent dans son processus d’acceptation du changement.
Pierre Lainey, MBA, Adm.A., CMC, CRHA
Intervenant à l’Institut de leadership en gestion
Maître d’enseignement en management à HEC Montréal, enseignant à l’École des sciences de la gestion à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université McGill