Le poids des mots

LE POIDS DES MOTS

Ne revenez jamais en arrière pour vous blâmer ou vous reprocher les choses que vous avez dites ou que vous n’avez pas dites. C’est de l’énergie gaspillée! Si vous devez le faire, assurez-vous que ce soit dans un esprit d’acceptation et avec la volonté de changer. Je sais que ce fut mon cas, et les enseignements que j’ai tirés m’ont permis de mieux comprendre la clé d’une bonne conversation.

Commençons tout d’abord par définir ce qu’on entend par une bonne conversation : je n’entends pas par là de dire ce qu’on pense et ressent chaque fois qu’il est possible de le faire. Une bonne conversation doit être productive et tenir compte de l’influence que vous souhaitez exercer. Cette influence se ressent par les mots que vous choisissez et par la façon de communiquer votre message. Elle permet de faire comprendre deux choses à vos interlocuteurs : (1) Ce qui est important pour vous; et (2) votre façon de percevoir les choses, les gens et les circonstances. Ensemble, ces deux éléments d’une conversation définissent votre style de communication.

Soyez attentif(ve) la prochaine fois que vous commentez la manière dont une personne s’est adressée à vous ou à quelqu’un d’autre. Vous êtes susceptible d’invoquer les aspects sur lesquels la personne a mis l’accent comme « Je ne peux pas croire qu’il n’a même pas remarqué la recherche exigée pour trouver une solution! Tout ce qui comptait pour lui, c’était de déterminer si j’allais livrer le projet en retard! » Et vous êtes aussi susceptible de commenter la façon dont cette personne vous a engagé dans la conversation. En poursuivant avec l’exemple ci-dessus, on pourrait vous avoir demandé ce qui suit : « Qu’est-ce qui rend la solution que vous présentez plus avantageuse que celles que nous avons entendues la semaine dernière sur le plancher? » En un mot, les aspects sur lesquels les gens mettent l’accent lorsqu’ils vous parlent vous révèlent ce qu’ils écoutent et veulent entendre. Et ils vous donnent aussi une idée de ce qu’ils pensent des gens et des choses.

Habitudes attentionnelles

Concentrons-nous maintenant sur vous. Quatre modes d’écoute façonnent votre style de communication.

Vous écoutez pour confirmer et valider lorsque vous faites des déclarations et posez des questions qui amènent les gens à vous donner des réponses que vous pouvez comprendre ou qui soutiennent votre position ou décision. Les gens apprennent rapidement à vous communiquer de l’information que vous voulez entendre. Lorsque vous écoutez pour réfuter et démontrer, vous vous exprimez d’une manière qui indique aux autres que ce sont les faits qui comptent pour vous. Vos questions ou déclarations ont tendance à inciter les gens à vous donner des preuves concrètes pour vous convaincre ou influencer vos décisions. Vos mots laissent savoir aux autres que les sentiments, croyances et intuitions n’auront pas autant d’importance que les faits. Inversement, lorsque vous êtes à l’écoute de l’essence et de la signification, vos mots expriment de la curiosité d’en apprendre davantage sur votre interlocuteur que sur la situation ou la problématique dont il vous fait part. Vous êtes dans ce mode lorsque vous voulez savoir comment cette personne perçoit le problème, ce qui est important pour elle pour régler le problème et comment elle se sent par rapport à son travail. Vous êtes aussi à l’écoute des opportunités de connexion avec la personne. Vos mots démontrent votre intérêt à vouloir comprendre la totalité de son expérience. Enfin, si vous avez tendance à écouter dans une perspective de développement du potentiel chez l’individu, il est probable que vous utilisiez des mots qui informent les autres que vous ne cherchez pas à comprendre ce qui est arrivé (ou ce qui n’est pas arrivé) ni à mettre l’accent sur l’information qui est communiquée à l’heure actuelle. Vos mots ou questions ont plutôt tendance à inciter la personne à approfondir sa réflexion et à trouver des solutions. Les gens détecteront probablement votre désir de les voir penser de manière créative, audacieuse et sans avoir peur. Évidemment, vous pourriez penser que vous écoutez parfois pour confirmer, tandis qu’à d’autres occasions, c’est pour réfuter, pour comprendre le sens, voire dans une perspective de développement du potentiel chez l’individu à d’autres moments. La question que vous devriez vous poser est la suivante : « En règle générale, quelle est ma tendance? » N’hésitez pas. Demandez à quelqu’un qui vous connaît bien. Vous serez surpris(e) de ce que vous apprendrez.

Réfléchir à sa façon de penser

La façon dont vous parlez informe aussi les autres de votre processus réflexif de même que du niveau de conscience de votre pensée. En fait, elle les informe de l’intensité de l’effort cognitif que vous être prêt à fournir pour résoudre une problématique, comprendre un problème et arriver à une solution. Les trois approches qui suivent sont adoptées par les gens lorsqu’ils réfléchissent à leur façon de penser, laissant entrevoir leur style de communication.

La première approche a trait au scepticisme réflexif par rapport à ce qui a été dit. Lorsque vous réfléchissez de manière sceptique, vous informez les autres que vous évaluez l’aspect logique de l’information qui vous est présenté. D’autres remarquent que vous poursuivez cette démarche tant et aussi longtemps que l’approche ou la solution la plus logique n’a pas émergé, en fonction des informations que vous détenez pour l’adopter. Cette façon de penser peut être décrite comme une « pensée critique axée vers la rhétorique ». Bien souvent, il est possible que vous vexiez, créiez des tensions ou de l’anxiété chez les autres si vous ne faites pas attention à la manière dont vous demandez des précisions. Les gens ont l’impression que vous ne pouvez pas lâcher prise avant que votre esprit soit libre. La deuxième est liée à la tendance à raisonner avec les autres. Vous avez tendance à considérer toutes les perspectives possibles plutôt qu’à vous attarder à une proposition dominante et, ce qui est plus important encore, vous remettez en question votre propre réflexion par rapport à l'opportunité de se conformer à l'opinion dominante. Les déclarations que vous faites sont orientées vers les solutions qui pourraient s’offrir à vous à l’avenir. Autrement dit, vous avez tendance à réfléchir en fonction de scénarios « Et si? ». Cette façon de penser peut être décrite comme une « pensée critique axée vers l’autorité ». En dernier lieu, lorsque vous reconnaissez que l’information et les connaissances ne sont pas sans valeur, vous avez tendance à utiliser des mots qui soulignent comment les hypothèses sous-jacentes ou cachées peuvent influencer la façon dont la situation est gérée. Votre modus operandi consistant à « réfléchir à haute voix » indique aux autres que la situation actuelle est le fruit ou le résultat de processus particuliers impliquant des personnes, des choix et des décisions passés. Vous tenez compte de l’intention, de la motivation et de la vision du monde des gens dans votre analyse de la situation. Votre façon de penser a tendance à être large et curieuse puisque vous raisonnez constamment en termes de déclarations « Et alors? ». Cette façon de penser peut être décrite comme une « pensée critique axée vers l’objectivité ». Vos déclarations ou questions incitent constamment les gens à aller au-delà de ce qu’ils pensent connaître ou considérer comme étant vrai. Il y a cependant un risque que les personnes se braquent et soient davantage sur la défensive parce que vous ne semblez pas savoir à quel moment cesser les « Et alors? ». 

Mot de la fin

Pour apporter un véritable changement dans votre style de communication, vous devez comprendre l’incidence de vos habitudes attentionnelles sur le contexte de vos relations. Vous devez aussi vous interroger sur comment vous réfléchissez à votre façon de penser par rapport aux problèmes, aux gens et aux circonstances, ainsi que l’impact que cela peut avoir. En tant que lectrice assidue de poésie, je considère que le mot de la fin sur l’influence de l’écoute et de la réflexion dans nos vies devrait revenir à David Whyte. Voici un extrait de son poème (que j’ai traduit aux fins de cet article) intitulé The Winter of Listening publié dans The House of Belonging.

…. Toutes ces années à oublier combien il est facile d’appartenir à tout en étant simplement à l’écoute. Et combien il est difficile se rappeler combien tout naît d’une miraculeuse altérité... [i]

Par Dre Mirella De Civita, Fondatrice et Présidente de Grand Heron International et de Papillon MDC Inc.

 

[i] Traduction libre : The Winter of Listening … All those years, forgetting how easily you can belong to everything simply by listening. And the slow difficulty in remembering how everything is born from an opposite and miraculous otherness…  (p. 31, The House of Belonging, David Whyte).

Auteur: Équipe de coachs GHI de l'entreprise Grand Heron International